Le chalet n°11

La nuit était glaciale. Après le dîner, les accompagnateurs avaient signalés aux élèves de regagner leurs chalets. Sans rechigner, les mains dans les poches, Louka s'était dirigé tranquillement vers les couloirs. Il ne parlait pas, les garçons qu'il avait croisé plus tôt parlaient encore de leur exploit sur leur jeu vidéo. Il soupira de lassitude devant leur discussion. Il aimait les jeux vidéos, mais fallait pas exagérer. S'ils n'avaient que ça comme sujet de discussion, le canadien ne resterait pas avec eux à longueur de temps.

Il s'arrêta devant une porte portant le numéro 11. C'était son chalet. Il salua brièvement ses camarades d'un air neutre et ouvrit la porte. Il devait partager sa chambre avec deux autres garçons qu'il ne connaissait pas encore. Il priait pour que ceux-ci ne parlent pas trop de jeux vidéos, il en avait assez bouffé pour la journée! Mais Louka était apparemment le premier arrivé dans la pièce.

Il s'approcha de son lit, le fixa un moment, puis s'affala sans gêne. Le matelas était assez dur. A son contact, le canadien grimaça légèrement à cause du magnifique "faceplant" qu'il venait de faire. Je pensais pas que ça ferait si mal... Il se mit en tailleur en glissant sa main sur son visage douloureux.
Il enfonça ses poings dans le lit pour en tester la dureté. Et ben... je sais qu'on est pas dans un 4 étoiles mais quand même...

La porte s'ouvrit dans son dos.

Shin parcourait les couloirs du Chalet à la recherche du dortoir numéro onze. Il avait l'esprit ailleurs. Ce trajet dans le bus au matin... Avec Mayu, c'est comme si rien ne s'était passé, à la bibliothèque. Mais pourtant... il ne se sentait pas encore tout a fait à l'aise.

Il n’arrêtait pas de se rememmorer cette peur qu'il avait pu lire dans les yeux de la jeune fille dans le sanctuaire des livres. Au fond il comprenait les craintes qu'elle pouvait avoir vis à vis de lui.
Il l'avait traquer comme un animal, un objet qu'il voulait coute que coute posséder.
Et il se trouvait sale. Oui. s'était le mot. Sale d'avoir put mettre mal à l'aise la seule personne pour laquelle il avait réussi à ressentir des choses aussi pures.
Il avait des sentiments pour Mayu et il n'avait même pas réussit à le lui faire comprendre.
Il avait simplement réussit à lui faire peur, et à la faire douter.

Il s'arrêta net face à la porte du dortoir n°11. Le regard dur il frappa du poing contre le mur avant d'ouvrir la porte d'un geste sec.

Sans faire vraiment attention à s'il y avait quelqu'un dans la pièce il se dirigea vers le lit le plus proche pour s'y écrouler. Croisant les bras sous sa nuque il se mit à fixer le plafond avec détermination, et se fit la promesse de changer. Pour Mayu.

Il tourna la tête et aperçu un garçon bien plus grand que lui, les cheveux blonds attachés à la va-vite en petite couette à l'arrière de son crâne. Il n'avait daigné levé les yeux qu'il s'écroula sans plus attendre sur le lit qui était le plus proche de la porte. Louka n'avait pas compris cette entrée. Lui qui pensait qu'il aurait droit à un long dialogue de présentation, il se faisait silencieux face au jeune blond. Il avait l'air... perdu?

Voulant se redresser discrètement sur son lit pour ne pas déranger son camarade, le canadien rata le bord du lit et se rattrapa de justesse en inspirant très bruyamment. Il sentait qu'il ne devait pas être là, que l'autre garçon voulait être seul, mais trop tard, il venait de briser le silence. Il se leva finalement puis s'accroupit devant son sac à dos posé au pied de son lit. Il fouilla un peu dans la poche avant et en ressorti une petit sachet noir. Toujours accroupi, il adressa un regard neutre au jeune blond.

-T'en veux?

Louka lui tendait le sachet noir nonchalamment avant de reprendre:

-C'est de la viande séchée.

Il pensait que même s'ils ne se parleraient pas, il pouvait au moins paraître un minimum amical.

Toujours perdu dans ses pensées Shin fut brusquement ramener à la réalité par un bruit sourd. Il tourna doucement la tête vers le reste de la pièce et s’aperçut qu'il n'était pas seul. Un jeune garçon aux cheveux bruns, accroupit lui faisait dos et farfouillait dans son sac.

Le jeune garçon se retourna, toujours accroupit et tendit dans sa direction un petit sachet noir.

-T'en veux ? C'est de la viande séchée.

Shin se redressa doucement sur ses coudes, fixant le sachet tendu vers lui. Puis après un instant il étendit son bras et piocha deux morceaux de viande.

-Merci, souffla le blond tout en arrachant un bout de chair avec ses dents.Désolé pour mon entré, j'ai pas fait gaffe à s'il y avait quelqu'un dans la pièce.

Il avala un autre morceau avant de reprendre.

-Moi c'est Shin, et toi?

Louka pouvait maintenant voir nettement le visage de son camarade de chambre. Il avait pioché quelques morceaux de viande séchée. Après l'avoir remercié, le jeune blond s'excusa de son entrée des plus troublantes avant de reprendre:

-Moi c'est Shin, et toi?

Le canadien s'assit par terre, adossé à son lit, les genoux légèrement repliés. Il avala le bout de viande séchée qu'il avait dans la bouche puis répondit:

-Je m'appelle Louka. Tu sais, si t'as pas le moral te force pas.

Même si Louka avait dit ça non seulement parce qu'il ne pouvait pas savoir ce qu'il se passait dans la tête de Shin, mais aussi parce qu'il ne voulait pas savoir. Réconforter quelqu'un qu'il venait à peine de rencontrer, ce n'était pas un truc où Louka était doué. Même s'il faisait des efforts envers les autres, il n'était pas doué pour ça. D'autant qu'ils venaient à peine de se rencontrer. L'affubler de questions personnelles aurait était plus que mal venu.

Les yeux rivés sur son paquet de viande séchée, le canadien en sortit une pincée et la porta à sa bouche. Puis dirigea son regard vers le lit inoccupé.

-Tu sais qui va être avec nous dans ce chalet?

-Je m'appelle Louka. Tu sais, si t'as pas le moral te force pas.

Louka, original comme prénom.

-Tu sais qui va être avec nous dans ce chalet ?

A la question du dénommé Louka, Shin tourna son regard vers le troisième et dernier lit de la chambre. Il ne connaissait pas beaucoup les autres garçons de l'école et il n'en appréciait réellement qu'un seul. Donc il espérait que se soit Jaden qui les rejoigne pour compléter le dortoir.

-Je ne sais pas. Mais je sais qui je n'aimerais pas voir partager notre chambre. L'image fugace de son camarade de chambre de l'école Susumu traversa son esprit. Non décidément tout sauf cet pile électrique, s'il vous plait.

Avalant sa dernière bouchée de viande, Shin fixa du coin de l'oeil le brun toujours assis à même le sol. Le jeune homme semblait calme et posé, tout l'inverse de Susumu, un bon point pour lui. Il ne semblait pas vouloir se mêler des affaires des autres et il se dégageait de lui une aura assez... spécial. Il paraissait assez taciturne et solitaire, pas très bavard non plus, mais tout de même enclin au dialogue si on s'adressait à lui.

-Louka, ça ne sonne pas très japonais dit moi.

-Je ne sais pas. Mais je sais qui je n'aimerais pas voir partager notre chambre.

Sur ces mots, Louka arqua légèrement un sourcil. Bien sûr, il ne savait pas de qui il s'agissait, mais voyant la carrure de son camarade, il pensait qu'il valait mieux ne pas être son ennemi.

Il plongea une fois de plus sa main dans son sachet mais il était vide. Il observa le contenu avec déception, le secoua de façon faire tomber quelques morceaux mais en vain. Je savais que j'aurais du en acheter deux... Il l'écrasa de ses deux mains avant que le jeune blond ne reprenne:

-Louka, ça ne sonne pas très japonais dit moi.

Il posa le sachet - qui formait désormais une boule irrégulière - à coté de lui et répondit:

-Ouais, c'est normal, je suis canadien. Je suis au Japon depuis que j'ai 8 ans.

Repensant soudainement à la jeune fille qui portait le même nom que sa soeur et qui l'avait tant aidé quand il était petit, Louka laissa échapper un bref soupir.
Il dirigea une nouvelle fois son regard vers son interlocuteur, posa son coude sur son genou et appuya sa joue contre son poing. Il se disait que Shin non plus, ne faisait pas très japonnais. Non seulement à cause de sa couleur de cheveux, mais aussi à cause de ses traits.

-D'ailleurs toi non plus tu ne fais pas très japonnais. Physiquement je veux dire.

Il vit le jeune homme reposer son sachet de viande séché.

-Ouais, c'est normal, je suis canadien. Je suis au Japon depuis que j'ai 8 ans. D'ailleurs toi non plus tu ne fais pas très japonnais. Physiquement je veux dire.

-Oui. Mon père avait des origines russes.

Il ne s'étendit pas plus sur le sujet. Il n'avait pas forcément envie de partager avec le premier venu les tragédies passées de sa vie. Shin préféra donc changer de sujet.

-Je ne t'ai encore jamais croisé dans l'école, tu viens d'arriver ?

-Je ne t'ai encore jamais croisé dans l'école, tu viens d'arriver ?

Louka se gratta nerveusement l'arrière du crâne face à la question. Ce mec n'a pas l'air très à cheval sur les règles, donc ça va. Il croisa les bras et répondit d'un air presque lassé:

-Ben... On va dire que j'ai eu des problèmes que ce soit avec des camarades ou du personnel dans mes anciennes écoles. Du coup j'ai été viré. Mes parents m'ont inscrit dans ce lycée en me faisant une énième leçon de morale par rapport à mon comportement.

Shin avait un air interrogateur accroché au visage. Louka ne s'étendrait sur le sujet que s'il en demandait plus. Il se disait que si ça ne l'intéressait pas plus que ça, ça n'en valait pas la peine. Il reprit:

-Du coup je me fais un peu plus discret maintenant.

C'est vrai que depuis qu'il était arrivé au lycée, Louka se faisait discret et ne prenez pas vraiment la peine de copiner avec les autres élèves. Le canadien se dit qu'il devait tout de même faire un effort ne serait-ce que pour ne pas s'ennuyer.

-Dis-moi tu es en quelle classe? On se croisera peut-être plus souvent à l'avenir.